Réforme du droit des contrats, de la preuve et du régime des obligations

Réforme du droit des contrats, de la preuve et du régime des obligations

Auteur : FORTUNET Eric
Publié le : 07/03/2016 07 mars mars 03 2016

Sur loi d’habilitation, et par l’ordonnance du 10 février 2016 (n° 2016-131 publiée au J.O. du 11 février 2016) de nouvelles dispositions seront applicables au 1er octobre 2016 après (probable) ratification par le Parlement ; précisons dès à présent que la réforme du droit de la responsabilité civile délictuelle est annoncée… et observons que la méthode employée empêche sans doute le recours à la QPC …





I- L’esprit de la Réforme

La lecture du Communiqué de presse du Conseil des ministres du 10 février 2016, et des divers commentaires qui sont parus, démontre que l’objectif est de « rénover sans bouleverser » les textes en « codifiant de nombreuses solutions jurisprudentielles, rendant le droit plus prévisible pour tous ».

Un autre objectif, souvent relevé, est « d’éviter un recours trop systématique au contentieux ».

La lecture des textes démontre par ailleurs que la protection du « débiteur », présumé en situation d’infériorité dans la négociation (?) de certains contrats est naturellement prise en considération.

Ajoutons que les textes présentés veulent inscrire pleinement le droit français dans l’ère du numérique (ce qui justifie des dispositions concernant davantage les professionnels du droit).

II- Les points phares de la Réforme

  • Observation préalable :
Le législateur réaffirme le principe de la liberté contractuelle tout autant qu’elle ne heurte des règles d’ordre public – les bonnes mœurs n’ont plus court - (précisées ci et là dans les textes nouveaux – articles 1102, 1104, 1112-1), la force exécutoire du contrat et impose l’obligation de bonne foi dans la formation du contrat.

Sont évoqués dans les textes nouveaux, expressément, le contrat d’adhésion et le contrat cadre. Référence est faite.



  • Un devoir général d’information est imposé aux parties lors la phase précontractuelle (article 1112-1 du Code Civil) pour l’information que l’un connaissait et qui pouvait avoir pour la partie adverse une importance déterminante ; c’est une règle d’ordre public.
Le projet initial allait plus loin en prévoyant l’information que l’on « devait connaître » ; situation qui n’a pas été retenue.



  • Une prévention contre la violence économique est mise en place ; sera de ce chef sanctionné dans l’avenir « l’avantage manifestement excessif » dont profite l’une des parties au contrat en raison de « l’état de dépendance » dans laquelle se trouve l’autre partie.
La référence à l’état de nécessité, que l’on trouvait dans le projet de Réforme, n’a pas été retenue.



  • Dans les contrats d’adhésion, les clauses considérées comme abusives, parce qu’elles entraînent un « déséquilibre significatif », seront réputées « non écrites » ; le projet n’est pas allé jusqu’au bout du raisonnement qui, à l’origine, proposait une hyper réglementation des clauses abusives pour les écarter.


  • La théorie de l’imprévision (est-elle d’ordre public ? certains semblent le discuter) est consacrée dans les articles 1195 et suivants du Code Civil.


Les parties sont (obsession actuelle… aux fins d’économies notamment !) invitées à renégocier en pareille hypothèse les termes du contrat ; mais à défaut d’aboutir, les deux parties – voire l’une seulement - peuvent s’adresser au juge en lui demandant soit de mettre fin au contrat, soit… de le réviser…

Le principe de l’immutabilité des contrats (comma la notion de cause dans la formation du contrat) a vécu !



  • Complémentairement, le droit de la preuve est plus que « toiletté » et le serment décisoire peut être déféré par l’une des parties ou ordonné à l’initiative du juge.


III- L’application de la loi

Sous réserve de ratification par le Parlement, c’est au 1er octobre 2016 que s’appliqueront, aux contrats à conclure et au contentieux judiciaire qu’ils nourriront…, les nouvelles dispositions.

Pour autant, trois dispositions destinées à sécuriser le contrat (le cocontractant ou le tiers pouvant interpeller l’autre partie ou l’un des cocontractants) sont d’ores et déjà applicables ; elles se trouvent aux articles 1123, 1158 et 1183 du Code et sont applicables depuis le 12 février 2016 (le tiers peut interpeller le bénéficiaire du pacte de préférence pour savoir s’il entend s’en prévaloir, le tiers peut interpeller une personne représentée pour s’assurer de la validité et de l’étendue du pouvoir de son représentant conventionnel signataire d’un acte, enfin une partie peut interpeller son cocontractant pour lui demander de prendre position dans un délai de six mois et de faire connaître s’il envisage de soulever une nullité).



IV- Une nécessaire anticipation

Il est certain que la Réforme obligera les parties, et les juges, à intégrer d’ores et déjà son esprit dans les situations juridiques actuelles et dans les contentieux en cours.

Il est encore plus évident que les professionnels appelés à conseiller devront – dans l’intérêt de leurs clients - s’inspirer dès à présent des nouveaux textes à la fois pour rédiger au mieux les contrats dont ils ont charge (au regard de la liberté contractuelle, des règles supplétives proposées et des dispositions d’ordre public infranchissables) et pour défendre leurs clients appelés à comparaitre en demande ou défense devant une juridiction.

On s’étonnera ici que la même ordonnance, soucieuse des intérêts du débiteur, confie aux huissiers de justice, mandaté par un créancier pour compte duquel ils auront délivré commandement (et aux frais exclusifs duquel ils agiront) puisse être légalement mandaté pour recueillir l’accord des parties sur un règlement amiable au titre duquel il dressera un « titre exécutoire »…

A moins que souci d’économie fasse loi…



Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © fotodo - Fotolia.com

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