La monovalence des grottes souterraines

Auteur : FORTUNET Eric
Publié le : 18/12/2007 18 décembre déc. 12 2007

Une grotte souterraine ouverte à la visite du public peut être considérée comme un local monovalent au sens de la réglementation des baux commerciaux.

Jurisprudence sur les grottesL’ESPECE :

La grotte concernée se trouve en région PACA, et plus précisément dans le Vaucluse ; elle est unique dans sa région.
Située à près de 2 km du village, en contrebas d’une colline, elle est ouverte au public depuis des décennies.
Si, à l’origine, un petit bâtiment situé sur le terrain loué servait de petite buvette campagnarde, les locataires exploitant le fonds de commerce ont acquis voici plusieurs années un terrain contigu sur lequel ils ont construit un bâtiment accueillant leur clientèle (mais seulement d’avril à octobre car la grotte est fermée pendant les six mois d’hiver) et lui proposer tout à la fois des rafraîchissements et la vente de souvenirs et/ou cartes postales.

Au terme d’un bail de neuf années, et à l’occasion de son renouvellement, le bailleur prétendait à une révision sérieuse du loyer dérisoire précédemment applicable, alors que le preneur invoquait la règle du plafonnement.


LES THESES EN PRESENCE :

Le bailleur argumentait à la fois sur la monovalence des lieux en conséquence de laquelle – si elle était retenue – le loyer était libre… ; et il invoquait subsidiairement la modification notable des facteurs locaux de commercialité, excluant le plafonnement du loyer puisque, disait-il, la ville concernée et surtout la région ont profité depuis quelques années d’un considérable développement touristique.

Il produisait moult preuves de l’évolution constatée de ce chef et voyait en celles-ci la cause du développement commercial de l’entreprise exploitée dans les lieux.

Le preneur contestait tout au contraire la monovalence des lieux et affirmait que le développement de son entreprise n’était dû qu’à son activité et à ses investissements qui ne pouvaient en aucun cas profiter, même indirectement, au bailleur.

Il en tirait pour conséquence que le loyer ne pouvait que demeurer plafonné.

Le débat était important puisque, selon la thèse retenue, le loyer, au terme des neuf années, devait augmenter soit de 30 % (thèse du plafonnement proposé par le preneur), soit de plus de 500 % (thèse du loyer fixé à la valeur locative selon le bailleur) ; en effet, divers rapports d’expertise produits aux débats (cinq rapports dont un rapport d’expertise judiciaire) proposaient de fixer la valeur locative à plus de 5 fois la valeur du loyer d’origine.


L’ARRET :

La Cour d'Appel n’a pas jugé opportun d’examiner la question subsidiaire des variations notables des facteurs locaux de commercialité ; en effet, elle s’est arrêtée à la question principale pour, à partir de constatations factuelles déterminantes, retenir la monovalence, source d’une légitime augmentation de loyer.

Rappelons que l’article 23-8 du décret de 1953, auquel renvoie l’article L 145-36 du Code de Commerce, édicte que « le prix du bail des locaux construits en vue d’une seule utilisation peut, par dérogation aux dispositions qui précèdent, être déterminé selon les usages observés dans la branche d’activité ».

La Cour a factuellement relevé que les lieux litigieux sont affectés « exclusivement à l’exploitation de la grotte », de même qu’elle a relevé que « la clientèle n’est pas distincte de celle qui fréquente le Café, compte tenu de la situation des lieux et du caractère saisonnier de l’exploitation », ce dont elle a retenu comme conséquence la monovalence des lieux.

Il est vrai que la preuve était apportée (en tout cas, la Cour l’a considérée) que l’exploitation du bâtiment servant des rafraîchissements et proposant à la vente cartes postales ou souvenirs était intimement liée à l’exploitation de la grotte puisque, installée en colline loin du village, cette exploitation ne vivait que par la clientèle visitant la grotte…, ce dont il résulte que le bâtiment était fermé à toutes exploitations pendant les mois d’hiver.

En aurait-il été différemment s’il y avait eu une exploitation permanente du bâtiment à usage de Café et vente de souvenirs ? La question demeure posée.

Mais n’est-il pas vrai que la plupart des grottes ouvertes au public sont situées en campagne et ne sont ouvertes à la clientèle qu’aux beaux jours ?

Et que les activités annexes à l’exploitation commerciale principale qui est celle des grottes ne sont exercées que pendant les meilleures périodes de l’année ?


En tout cas, dans un cas d’espèce bien particulier, la décision rapportée présente quelque intérêt puisqu’elle paraît unique dans la mesure où la Jurisprudence sur les grottes n’est pas monnaie courante ; et qu’elle intéressera certainement praticiens et… bailleurs.

Les parties au procès resteront sur leur faim quant à savoir si le développement touristique de la région est ou non à considérer comme la modification d’un facteur local de commercialité…

Mais le bailleur, qui triomphe, s’en satisfera tout de même.

RéférenceC.A. Nîmes, 20/11/2007. LiensAller sur la région PACA.

Aller sur le Code du commerce.

Définition de la monovalence.

Les plus grandes grottes en France.





Cet article n'engage que son auteur.

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